Initialement paru sous le titre The Birth house, L’accoucheuse de Scots Bay a été écrit par Ami McKay en 2006 avant d’être traduit en français en 2020 par Sonya Malaborza. Ce roman acclamé par la critique campe son action à Scots Bay, en Nouvelle-Écosse, où l’autrice habite aujourd’hui. Or, cette dernière s’est plutôt intéressée à la vie des femmes du début des années 1900, alors que les accoucheuses à domicile étaient la norme à bien des endroits, malgré les progrès que semblait alors faire la médecine.
L’ouvrage offre d’ailleurs une critique de ces progrès. Ils sont décrits dans le récit bien documenté de L’accoucheuse de Scots Bay comme souvent imposés aux femmes, bien que parfois invasifs et non nécessaires. Ici, morphine, épisiotomie et forceps systématiques apparaissent comme une opération de routine visant à éviter la souffrance d’une délivrance au naturel.
L’histoire commence alors que la narratrice, Dora Rare, n’a que 17 ans. Jeune fille libre et un peu naïve, elle habite la maison familiale avec ses parents et ses nombreux frères. Bien qu’elle ait l’âge de se marier, elle n’a aucun prétendant et seulement un vague intérêt pour un garçon de la baie. M’ame B., l’accoucheuse de Scots Bay, demande un jour son aide pour un accouchement prématuré. C’est ainsi que commence la formation d’accoucheuse de Dora. M’ame B. la prendra par la suite chez elle pour lui apprendre tous les rudiments du métier, la jeune fille ayant alors renoncé à se marier. Or, la vie de Dora deviendra beaucoup plus compliquée lorsque surviendra une demande en mariage inattendue. En parallèle, le Thomas Thomas, nouvellement installé dans la région de Cannings, pas trop loin de la baie, sollicite les femmes de la région – et leurs maris – pour les inciter à contracter une assurance leur permettant d’accoucher en clinique. À la vieille accoucheuse de Scots Bay, puis à Dora, s’opposent donc les voix d’un homme et de sa médecine moderne.
Si le thème principal du roman est le savoir des femmes de l’époque sur la grossesse, sa prévention et l’accouchement, il se développe dans l’ouvrage différents sous-thèmes tels que l’explosion de Halifax survenue en décembre 1917, la Première Guerre mondiale ou encore la levée du mouvement féministe à Boston. On y rencontre aussi l’amour et l’amitié, tout comme la violence conjugale et familiale.
L’accoucheuse de Scots Bay est majoritairement construit sur une narration à la première personne, mais inclut aussi des éléments qui permettent de varier le point de vue, tels que des articles de journaux ou encore la correspondance échangée par Dora avec certains personnages.
C’est un beau roman dont la lecture est aisée malgré ses 560 pages. J’ai eu plaisir à m’y plonger et à y découvrir différents éléments de l’histoire liée à la première moitié du 20e siècle. Le thème des femmes et de leur lutte pour obtenir des soins obstétriques correspondant à leurs besoins et respectant leur rapport à leur corps commence à peine à être abordé dans les médias ces dernières années, et il était intéressant de le voir développé dans une perspective de récit historique.
L’accoucheuse de Scots Bay en extraits
« Deux petites têtes blondes se sont inclinées à l’unisson et les fillettes ont levé les yeux vers leur mère en souriant. Elles ont tendu la main pour caresser ses rondeurs une dernière fois. À quatre et cinq ans respectivement, elles se suivent en hauteur comme deux marches d’escalier. » (p. 100)
McKAY, Ami. L’accoucheuse de Scots Bay, Prise de parole, Sudbury, 2020, 560 p.