Balzac et la Petite Tailleuse chinoise

Dans les premières pages de Balzac et la petite tailleuse chinoise de Dai Sijie, on peut lire ceci:

“[­…] dans la Chine rouge, à la fin de l’année 68, le Grand Timonier de la Révolution, le président Mao, lança un jour une campagne qui allait changer profondément le pays: les universités furent fermées, et “les jeunes intellectuels”, c’est-à-dire les lycéens qui avaient fini leurs études secondaires furent envoyés à la campagne pour être “rééduqués par les paysans pauvres”. (p. 13)

L’histoire de Balzac et la petite tailleuse chinoise commence en 1971, au moment où le narrateur et son ami Luo (17 et 18 ans) sont envoyés dans un village de la montagne du Phénix du Ciel pour subir leur rééducation. Ils ne sont pourtant jamais parvenus au lycée, l’entrée leur en ayant été interdite en raison du métier de leurs parents: des médecins qui souffraient d’une trop bonne réputation et un dentiste de grande renommée s’étant permis quelques allusions au sujet des dents du président. Leurs chances de sortir de cette rééducation un jour? Ils les estiment à 3 sur 1000 étant donné le statut de leurs parents.

Balzac et la petite tailleuse chinoise Dai Sijie

Si tous les intellectuels de la société sont condamnés, il en va de même pour les livres, tout particulièrement ceux provenant de l’Occident. Le pays exerce une censure radicale sur tout ce qui pourrait nourrir, ne serait-ce qu’un tout petit peu, l’esprit des gens. Le narrateur et son ami se retrouvent donc dans un minuscule village composé de paysans pauvres et ignorants dont la tâche est de les “rééduquer” par le dur travail physique qu’exigent l’agriculture en montagne ou l’extraction de minerai loin de toute technologie ou moyen de transport. Ils portent des seaux de fumier sur leur dos, vont dans la boue, grimpent la montagne, travaillent nus dans une mine…

Puis ils découvrent un jour que leur ami, un intellectuel du village voisin, cache peut-être chez lui des livres… Et bien sûr, ils font aussi la connaissance de la Petite Tailleuse chinoise.

Balzac et la petite tailleuse chinoise est une belle histoire, assez courte (228 pages) et joliment racontée, qui reste légère malgré le contexte. On retrouve même une agréable pointe d’humour dans les descriptions. Je dirais que l’histoire est construite sur le mode de la dérision. Puis il y a quelque chose de franchement délectable dans le rôle de conteurs que se voient attribuer les deux amis, faisant de livre une grande mise en abyme.

Pourtant, si j’ai pris plaisir à lire Balzac et la petite tailleuse chinoise, rien ne m’a particulièrement accrochée dans ce livre. L’histoire est belle, mais il lui manque cette profondeur que je recherche; je n’ai pas eu l’impression de plonger dans le récit. J’ai nagé en surface, admirant la beauté du paysage, simplement. J’ai aussi eu du mal à trouver des extraits qui valaient la peine d’être notés. J’en ai relevé un, à cause de l’originalité de la description.

Balzac et la petite tailleuse chinoise au cinéma

Dai Sijie a lui-même réalisé l’adaptation de son roman. Le film Balzac et la petite tailleuse chinoise a été tourné en chinois puis traduit en français (l’auteur est d’origine chinoise et habite la France). Je n’ai pas vu le film, je n’ai que visionné la bande-annonce. Ça me semble un beau film, dont l’histoire, en apparence, parait avoir été remaniée par l’auteur. Déjà, dans la bande-annonce, des éléments diffèrent.

Balzac et la petite tailleuse chinoise en extraits

“La denture du chef se présentait comme une sierra déchiquetée. Sur une gencive noircie et enflée, se dressaient trois incisives semblables à des roches préhistoriques de basalte, de couleur sombre, tandis que ses canines évoquaient les pierres de l’époque diluvienne, en travertin mat, couleur tabac. Quant aux molaires, certaines présentaient des rainures sur la couronne, ce qui, le fils du dentiste l’affirma sur un ton nosographique, était la marque d’un antécédent de syphilis. Le chef détourna la tête, sans nier ce diagnostic.” (p. 162-163)

SIJIE, Dai. Balzac et la petite tailleuse chinoise, Folio Gallimard, Paris, 2001, 240 p.

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