Filibuste

C’est la magnifique facture visuelle de Filibuste, premier roman de Frédérique Côté publié aux éditions Le Chaval d’août qui m’a attirée lors de ma visite en librairie cet été. La couverture sobre montre quatre biches dans un champ sur fond de ciel rose. Malgré sa simplicité, le traitement de l’image a quelque chose d’original, tout comme le titre, Filibuste, qui s’assume pleinement français sans l’être le moins du monde.

Le roman a été rédigé comme partie créative d’un mémoire de maitrise (Internet nous l’apprend) et a d’abord été conçu sous forme théâtrale. Ses 110 pages se lisent d’une traite, nous emportant dans les discours de ses personnages. À mi-chemin de la logorrhée, ces discours sont qualifiés, dès le début du livre, de filibuste. Continue reading « Filibuste »

L’accoucheuse de Scots Bay

Initialement paru sous le titre The Birth houseL’accoucheuse de Scots Bay a été écrit par Ami McKay en 2006 avant d’être traduit en français en 2020 par Sonya Malaborza. Ce roman acclamé par la critique campe son action à Scots Bay, en Nouvelle-Écosse, où l’autrice habite aujourd’hui. Or, cette dernière s’est plutôt intéressée à la vie des femmes du début des années 1900, alors que les accoucheuses à domicile étaient la norme à bien des endroits, malgré les progrès que semblait alors faire la médecine.

L’ouvrage offre d’ailleurs une critique de ces progrès. Ils sont décrits dans le récit bien documenté de L’accoucheuse de Scots Bay comme souvent imposés aux femmes, bien que parfois invasifs et non nécessaires. Ici, morphine, épisiotomie et forceps systématiques apparaissent comme une opération de routine visant à éviter la souffrance d’une délivrance au naturel. Continue reading « L’accoucheuse de Scots Bay »

Une dent contre l’ordinaire

Après avoir publié Dévorés chez L’Interligne en 2018, Charles-Étienne Ferland récidive avec un recueil de nouvelles, intitulé Une dent contre l’ordinaire, cette fois aux Éditions Prise de parole.

Une dent contre l’ordinaire contient quatorze textes aux thèmes éclatés et aux genres variés. De la science-fiction au fantastique en passant par le suspense ou le récit autobiographique, le recueil transporte le lecteur un peu partout et, pourtant, ce voyage se fait autour d’un seul et même pôle, celui de l’ordinaire. Il y est en effet question de l’ordinaire bien réaliste du quotidien, mais aussi de l’ordinaire réinventé ou distordu que l’on peut se permettre d’imaginer. Continue reading « Une dent contre l’ordinaire »

Les Testaments

J’ai découvert La servante écarlate en 2018, peu après que la série télévisée ait connu un succès instantané. Je n’ai toujours pas regardé la série. Un je-ne-sais-quoi me retient. Toutefois, rien n’a retenu mon élan lorsque j’ai aperçu Les Testaments sur les rayons d’une librairie de la capitale canadienne cet automne. Il porte sur un sujet qui me préoccupe, car il est de plus en plus d’actualité (après le mouvement #metoo qui accompagnait la sortie de la série télévisée, c’est le débat sur l’avortement qui est largement relancé aux États-Unis, et même au Canada lors de la dernière campagne électorale).

Ce qui rend ce roman et son prédécesseur si intéressants, c’est la règle d’écriture que Margaret Atwood s’est donnée: aucune invention pure, que des éléments basés sur des évènements qui se sont déjà produits à un moment de l’histoire quelque part dans le monde et pour lesquels les technologies existent. Lire ce livre n’est donc pas comme lire de la science-fiction au sens traditionnel. En effet, le respect de cette stricte règle d’écriture nous rappelle que tout n’est pas entièrement fiction dans cet ouvrage de « science-fiction ». C’est ce qui le rend effrayant. Continue reading « Les Testaments »

À une minute près

En 2013, André Marois publiait chez La Courte Échelle le roman de science-fiction pour adulte La fonction.  Cette année, il en a tiré une version pour adolescents intitulée À une minute près et publiée chez Leméac.

À une minute près met en scène un univers identique au nôtre, à une exception près. Les gens y viennent au monde dotés d’une « fonction » qui s’active le jour de leur huitième anniversaire de naissance. Une seule fois dans leur vie, ils peuvent activer cette fonction en appuyant leur pouce entre leurs deux yeux. Instantanément, les soixante dernières secondes seront effacées. Seule la personne ayant utilisé sa Fonction se souviendra de la minute qu’elle vient de rayer ainsi. Continue reading « À une minute près »

Réparer Philomène

Réparer Philomène est le septième roman de l’auteur Pierre Gagnon. Paru à l’automne chez Druide, cet ouvrage ne répond pas à la forme traditionnelle du roman. Le livre rappelle plutôt un recueil de poésie en prose, avec ses chapitres brossés comme des tableaux et sa structure narrative plutôt hachurée. Ses 249 pages se tournent ainsi à une vitesse surprenante.

Le livre s’ouvre sur un garçon de huit ans, le narrateur. Il se tient debout sur le bord de la rue dans ses habits du dimanche. Il attend. Il espère. Tout le monde au village en a déjà parlé: le président Kennedy, l’homme le plus puissant du monde, est déjà passé sur cette rue. Mais la voiture de son père, conduite par sa mère, s’arrête à sa hauteur.  Il est grand temps de rentrer à la maison. Le « bungalow de papier noir » est le royaume où dépérit sa mère. Autour, une cour à scrap. Le père répare et modifie des voitures qu’il ira courser ensuite. Le jour, il travaille pour un centre de récupération de pièces automobile.  Le soir, quand il est à la maison, il regarde sa femme s’enfoncer. Alors il va chercher Philomène. Continue reading « Réparer Philomène »

Piège infernal

Je vous parlais dernièrement de la nouvelle collection Sphinx des éditions Héritage jeunesse, une collection  inspirée des livres dont vous êtes le héros (voir l’article). L’autre ouvrage à inaugurer le lancement de cette collection est Piège infernal de Paul Roux. Lui aussi est constitué de 31 chapitres et un épilogue dont l’ordre de lecture est dévoilé à travers la résolution d’énigmes.

Cette fois encore, tu es le personnage principal de cette histoire. Un après-midi, pendant que tu travailles à la bibliothèque de l’école en attendant ton autobus, tu es pris d’un malaise et cours aux toilettes pour vomir. À ton retour, toutes tes affaires sont restées telles quelles et tu te remets au travail. Peu de temps passe avant qu’un courriel ne t’interrompe. Il provient d’un inconnu qui te traite de dégoutant et dit connaitre ton secret. Ça te fait un gros choc. Personne à part ton frère Maxime et son ami ne connait ce secret. Et il n’est pas dans l’avantage des deux garçons de le dévoiler… Bientôt, c’est par texto que te contacte ton intimidateur. Tu as maintenant peur de regarder ton téléphone. Il t’interdit de parler de ses messages à qui que soit et, pour accompagner cet avertissement, il te donne un exemple de ce qui pourrait t’arriver. Un soir, tu rentres de l’école et découvres que ton frère a failli se faire renverser par une voiture. Il est chanceux, il s’en sort avec une blessure au coude. Tu sais maintenant que tu es seul dans ta galère. Continue reading « Piège infernal »

Énigme fatale

Cet automne, les éditions Héritage ont inauguré une nouvelle collection de livres jeunesse, la collection Sphinx. Cette collection reprend en partie le principe des livres dont vous êtes le héros. Contrairement aux traditionnels livres-jeux, dont le récit dépend des choix faits par le lecteur, les livres de cette collection intègrent l’interactivité par la résolution d’énigmes. Tous les chapitres (à l’exception du premier) ont été mélangés et ce n’est qu’en résolvant l’énigme trouvée à la fin de chacun d’eux que le lecteur peut découvrir où se situe le prochain chapitre de l’histoire. Pour lire le livre dans l’ordre, les jeunes doivent ainsi se prêter au jeu du détective. Pour l’instant, deux titres sont parus. Je vous présente aujourd’hui Énigme fatale, écrit par Mathieu Fortin. Continue reading « Énigme fatale »

Champion et Ooneemeetoo

Une des choses que j’apprécie du contrat que je fais pour le Regroupement des éditeurs franco-canadiens, c’est qu’il me fait découvrir des ouvrages dont j’ignorais l’existence. Parmi ceux-ci, une traduction de Kiss of the Fur Queen, réalisée par Robert Dickson et publiée aux éditions Prise de parole sous le titre Champion et Ooneemeetoo. Ce livre de l’auteur cri Tomson Highway est un roman grandiose qu’on devrait, à mon avis, se faire un devoir de lire afin de connaitre un aspect souvent occulté de notre culture canadienne, celui de nos relations avec les Premières Nations et de leur apport culturel. Continue reading « Champion et Ooneemeetoo »

Le grand détour pour traverser la rue

J’ai été à la fois charmée et agacée par Le grand détour pour traverser la rue, du primoromancier Alain Savary. Pourtant, l’agacement ressenti m’a semblé sain et est plutôt entré en dialogue avec la lecture que je faisais du livre. Celui-ci provoquait chez moi des réactions qui me laissaient parfois dubitative, comme si j’étais à la fois en accord et en désaccord avec le propos de l’ouvrage ou le ton employé par l’auteur. Soyons claire. Le grand détour pour traverser la rue est un bon roman. Le lecteur traversera ses 125 pages en y faisant toutes sortes de petites trouvailles et il réfléchira, sans doute, aux affirmations que fait le personnage sur différents sujets. Là réside pour moi le point fort du livre: il amène des idées. Qu’on y adhère ou non, celles-ci provoquent des réactions, stimulent la pensée et parfois, comme chez moi, des émotions contradictoires. Continue reading « Le grand détour pour traverser la rue »