J’ai découvert dernièrement l’existence du webzine Les Méconnus (auquel j’aimerais vraiment collaborer, voilà je l’avoue). C’est par lui que j’ai appris l’existence de La faim blanche, paru dans la collection Fictions du Nord de La Peuplade, maison d’édition que je connais bien pour avoir ses racines dans ma région d’origine. J’adore d’ailleurs la facture visuelle des livres qu’elle publie.
À la librairie, les deux titres de la collection en mains, j’ai un moment hésité entre le titre animalier qui m’avait d’abord attirée là (Les excursions de l’écureuil) et la poésie des premières lignes de La faim blanche. C’est l’écriture qui l’a emporté. 1867. Le froid sévit, mais ce n’est rien contre les douleurs de la famine. Marja et les siens doivent abandonner leur maison, partir en quête de nourriture, marcher des kilomètres en plein cœur de l’hiver finlandais. Rester peut les tuer; partir aussi, mais c’est le seul espoir. Elle imagine la ville et l’abondance, rêve de se rendre à Saint-Pétersbourg, mais la mort les suit et la faim tord le ventre.
Vous aurez compris que ce n’est pas une histoire joyeuse. C’est un drame blanc comme l’hiver, il n’y a que cette couleur qui colle à l’esprit à mesure qu’avance l’histoire. Blanc, pas noir, malgré le thème. L’écriture est jolie, délicate, malgré le thème. Je crois que c’est ce qui fait la force de ce roman: le contraste, il traite par les opposés un thème qu’on s’imagine toujours sombre et dur. Il en résulte quelque chose de très humain, de très senti.
La faim blanche en extraits
“Sur ces mots, la porte de l’auberge s’ouvre et un pasteur emmitouflé dans une épaisse fourrure sort accompagné de l’aubergiste. Mataleena a envie de rire; le chapeau de poil du curé ressemble à une boule de pissenlit duveteuse, bien qu’il soit plus marron que blanc. Si elle soufflait dessus, les poils s’envoleraient au-dessus de la neige et le curé n’aurait plus qu’un cône sur la tête. Les aigrettes tomberaient par terre. L’été prochain, des pasteurs à tête jaune pousseraient aux quatre coins de la cour, se balançant dans le vent.
Mais Mataleena n’ose pas souffler, et le vent qui passe ne balaie pas la bourre du chapeau.” (p. 53)
“Soudain, le gazouillement ténu d’un ruisseau vint tinter à l’oreille. La neige fond. Dans le cimetière de la Vieille Église, les croix se découvrent. Elles sortent leur tête, pour voir si le temps de rappeler à l’homme sa fugacité dans le cycle des saisons est arrivé.” (p. 147)
OLLIKAINEN, Aki. La faim blanche, La Peuplade, coll. “Fictions du Nord”, Chicoutimi, 2016, 166 p.