La joueuse de go

Quel beau livre! La joueuse de go de Shan Sa raconte une histoire à deux voix se déroulant en 1937, alors que les Japonais ont envahi la Mandchourie. Première voix, celle de la joueuse de go, jeune femme de seize ans qui découvre l’amour et qui, à défaut de regarder la guerre qui se déroule autour d’elle, combat ses adversaires sur son damier. Deuxième voix, celle d’un officier japonais dans la vingtaine prêt à sacrifier sa vie pour sa patrie. Qui est-on quand on est une jeune Chinoise mandchoue? Quand on est un officier japonais? Qui peut-on être?

La joueuse de go Shan Sa

J’ai aimé plonger au cœur de ces deux cultures, y découvrir leur relation amour-haine. Aidée des quelques notes de bas de page en début de roman, j’en ai appris sur ce moment de leur histoire commune. Curieuse, j’ai fait quelques recherches dans Internet pour en savoir un peu plus.

D’un chapitre à l’autre, les voix alternent, nous faisant passer de la joueuse de go à l’officier japonais. Seul bémol: je n’ai pas constaté de variation dans l’écriture en fonction des voix, ce qui fait que, par rapport au style, les voix ne sont pas distinctes. Malgré tout, c’est superbement écrit puis, sans doute en raison de ce style beau et léger, le roman m’a semblé lumineux. Un style simple et des images toutes particulières:

 “Ma solitude ressemble à un rouleau de soi cramoisi enfermé au fond d’un coffre de bois.” (p. 30)

 “Un silence, pareil à un plat de nouilles froides et sans sel, se répand sur le damier.” (p. 30)

 Un style qui fait dans la brièveté aussi. Les chapitres de La joueuse de go sont assez courts et on ne s’étend pas dans des descriptions superflues. D’une certaine façon, je trouve que ça peut démontrer comment la vie passe et emporte avec elle des détails que nous ne remarquerons jamais.

Mais qu’est-ce que le jeu de go?

La joueuse de go Shan Sa Jeu de go

Le go est un jeu de stratégie d’origine chinoise qui se joue sur un damier comprenant 19 lignes horizontales et 19 lignes verticales. On y place des pions (noirs ou blancs) sur les intersections (et non dans les cases) dans le but de créer des territoires – ou de prendre des territoires à son adversaire. En ce sens, il représente assez bien la guerre.

Pour terminer, j’ai trouvé une courte entrevue avec Shan Sa, qui parle de son livre La joueuse de go.

La joueuse de go en extraits

“Soudain, j’entends un cri étouffé. Des hommes s’enfuient dans un bois. À une dizaine de pas, Tadayuki, frais émoulu de l’école militaire, est étendu à terre. Le sang jaillit de sa gorge en un flot continu. Ses yeux demeurent ouverts. Dans le train, je ne cesse de revoir son jeune visage déformé par un rictus d’étonnement.
Mourir, est-ce aussi léger que s’étonner?” (Officier japonais, p. 13)

 “La légende dit que le Japon est une île flottante posée sur le dos d’un poisson-chat dont le mouvement provoque des tremblements de terre. Je tentais de me représenter la forme monstrueuse de ce félin aquatique. La douleur, pareille à une fièvre, me faisait délirer. Faute de pouvoir tuer le dieu, il nous fallait donner l’assaut au continent. La Chine, infinie et stable, était à portée de la main. C’est là que nous assurerons l’avenir de nos enfants.” (Officier japonais, p. 78)

“Dans la rue, je me mets à courir. J’ai besoin de respirer la vie, les arbres, la chaleur de ma ville. Je saurai maîtriser mon destin et me rendre heureuse. Le bonheur est un combat d’encerclement, un jeu de go. Je tuerai la douleur en l’étreignant.” (Joueuse de go, p. 135)

“Min s’effondre et s’endort, son bras sur ma poitrine. Il a laissé sur mon ventre quelques gouttes blanches. Elles sont chaudes et s’enroulent autour de mes doigts comme des fils de soie. Les hommes sont des araignées qui tendent aux femmes un piège tissé de leur semence.” (Joueuse de go, p. 140)

SA, Shan. La joueuse de go, Folio Gallimard, 336 p.

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