La marche en forêt

Dans le thème “Christine à la quête de l’équilibre” il y a: recommencer à lire des livres dont j’ai envie même si, techniquement parlant, je n’en ai pas le temps. Je débute la série du “trente minutes par soir ou un peu plus quand c’est possible” avec ce petit roman de la québécoise Catherine Leroux, La marche en forêt. Mon amoureux m’a dit: “Oh mon Dieu, il y a les mots marche et forêt dans le titre, c’est tellement facile de voir comment tu choisis tes livres…” et il a bien raison. Ça explique probablement pourquoi, des trois titres de l’auteure, j’ai choisi celui-ci (son premier). La marche en forêt trainait sur ma “pile de livres à lire” depuis un bon moment déjà, me l’étant procuré peu après avoir assisté aux Correspondances d’Eastman à l’été 2015, où j’ai découvert cette jeune auteure.

La marche en forêt Catherine Leroux Le petit blogue

Le livre présente en parallèle différents membres de la famille Brûlé, dont l’arbre généalogique, placé au début du livre, nous aide à comprendre les ramifications. C’est une histoire aux apparences tranquilles, construite sur les petits et grands drames de chaque individu, nous rappelant que, dans le roman comme dans la vie, chacun a sa propre histoire que lui seul connait vraiment. Il y a Fernand qui vient de perdre son épouse et qui se remarie quelques mois plus tard à une femme beaucoup plus jeune, Hubert qui se retrouve en prison, Justine qui prend soin d’un autiste à domicile, Marilou qui entretient des relations difficiles avec sa mère, Marc qui est maintenant père de jumelles… En toile de fond, Alma, l’Amérindienne, part à la chasse… On découvre chaque personnage séparément ou dans ses liens avec les autres, les petites réunions, les grands rassemblements et, peu à peu, se dessine le portrait de cette grande famille tissée serrée.

J’ai adoré l’écriture de La marche en forêt, efficace mais tout en images. J’ai aimé l’humanité. Et une forme d’humilité, aussi.

La marche en forêt en extraits

“Elles sont quatre, ou peut-être cinq. Disons qu’elles sont entre quatre et six, et elles pouffent dans leur coin depuis le début de la récréation. Marc a appris dans son cours de science que le cerveau humain n’est pas en mesure de compter spontanément les objets qui forment un groupe quand leur nombre est supérieur à sept. Si un homme voit six pommes, il jette un œil et dit « six ». S’il y en a neuf, il lui faudra rapidement faire le décompte avant de pouvoir en donner le nombre, ou alors fournir une approximation. Avec les filles, Marc est convaincu que ce chiffre est bien inférieur à sept. Elles bougent sans arrêt, se trémoussent, changent de place, d’allure, de coiffure à tout moment. Sans compter qu’elles se ressemblent toutes un peu, chacune adoptant les manies des autres, s’habillant toutes de la même façon pendant une semaine avant de se métamorphoser à l’unisson… Elles rient en chœur, et regardent toutes dans la même direction. Cette fois, c’est dans la direction de Marc. Quelque chose se trame qui implique Marc. Cela le rend nerveux et fait de la tâche de dénombrer les filles un défi encore plus colossal.” (p. 66-67)

“Ça n’a pas de nom. Dans sa tête, Françoise l’appelle « le trou à bottes », mais elle n’a jamais utilisé cette expression à voix haute. Elle n’a jamais entendu qui que ce soit désigner la chose verbalement, sauf peut-être Normand qui avait employé « le creux pour les souliers », une paraphrase des termes que Françoise utilise avec elle-même. Après tout, ce n’est pas autre chose: un creux cubique dans le mur, près de la porte d’entrée, destiné à recevoir les chaussures. Elle n’a jamais vu cela ailleurs, et c’est ce qu’elle préfère dans la maison de ses beaux-parents. Elle suppose que ces derniers avaient la même affection pour le trou à bottes; Fernand n’a-t-il pas pris la peine d’y poser du tapis lorsqu’il a rénové le sous-sol? En outre, Françoise n’y a jamais vu que les plus beaux souliers, les bottes du dimanche, comme si c’était un honneur pour les chaussures de s’y trouver.” (p. 85)

LEROUX, Catherine. La marche en forêt, Alto, 2012

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