Je ne fréquente pas souvent les théâtres, pourtant j’adore aller voir une bonne création. De la même façon, je lis peu de pièces de théâtre, à moins qu’elles ne soient portées à mon attention. J’ai pris plaisir à découvrir La Meute d’Esther Beauchemin grâce à un contrat de rédaction de fiches pédagogiques pour le regroupement des éditeurs franco-canadiens. L’ouvrage de 130 pages est paru aux éditions Prise de parole en 2005.
Catherine, Irène, Éric, les jumeaux et le bébé vivent dans un chalet en forêt depuis maintenant des semaines. Ils s’y sont installés avec leur mère après la mort de leur père. Pourtant ils y vivent seuls, leur mère n’entrant presque plus dans le chalet. Désormais, elle oublie même de leur apporter à manger. Elle dort dehors, avec la meute de chiens dont elle fait l’élevage. Son objectif: protéger sa famille des Ombres, celles qu’elle pense responsables de la mort de son mari. Elle ne croit pas au diagnostic des médecins. Le cancer du cerveau de son mari ne fait pas partie de sa réalité: les Ombres sont après leur famille et il faut les fuir.
C’est ainsi qu’Irène, 16 ans, se retrouve responsable d’élever le bébé, qu’on appelle Toutoune parce qu’elle n’a pas encore reçu de nom. Catherine, 15 ans, est jalouse de sa sœur, car elle idolâtre sa mère et aimerait, comme elle, recevoir plus de responsabilités. Éric, 14 ans, est l’aîné des garçons. Paul et Pauline, les jumeaux de 13 ans, ont une relation symbiotique. Ils ont l’habitude de prendre soin l’un de l’autre.
Dès l’ouverture de la pièce, l’ambiance est tendue. Le bébé pleure sans fin, meurtri par la faim, car la mère a oublié d’apporter du lait. La tension est palpable entre les adolescents. Il se joue entre eux une guerre de pouvoir. Certains veulent gagner l’amour de la mère, d’autres le rôle de leader ou encore la responsabilité d’élever un chien. Malgré qu’il leur a été formellement interdit de quitter le chalet, seuls lieux où ils sont protégés des Ombres, Irène décide de partir chercher du lait, de peur que le bébé meure. Ce départ bouscule le clan et la tension monte encore d’un cran.
Ce que je retiens de cette pièce lue il y a un moment déjà, c’est le bruit du chaos, dans ma tête, à mesure qu’avance l’action. Ce sont les hurlements du bébé qui encore me brisent le cœur juste à y repenser. J’imagine une pièce chaotique et bruyante et un public déchiré par les cris du nourrisson. La Meute est un texte qui fait mal à l’enfance et dont les thèmes principaux tournent autour de la résilience, la folie, la famille et, bien sûr, l’adolescence. C’est un texte court, efficace et poignant qui met en scène des personnages aux personnalités bien distinctes. Je ne crois pas qu’il soit possible de lire (ou de voir) La Meute sans être ému par ces enfants qui se démènent pour survivre dans un univers créé de toute pièce par leur mère puis par eux.
BEAUCHEMIN, Esther. La Meute, Prise de parole, Sudbury, 2005, 130 pages.