Quelle expérience que cette lecture dense, forcée d’être effectuée dans une plage horaire d’environ 36 heures… Impossible, de plus, de lire les 354 pages de L’emploi du temps à mon rythme habituel. Ça a donc été tout un marathon.
L’emploi du temps, livre de Michel Butor qui s’inscrit dans le mouvement du nouveau roman, a pour narrateur Jacques Revel, un Français qui s’installe dans la ville anglaise imaginée de Bleston afin de faire un stage en tant que secrétaire. Dès son arrivée, il s’éprend de haine pour cette ville qui, comme une entité propre (Butor la construit d’ailleurs de façon telle qu’elle apparait comme un personnage), refuse de l’accueillir. Revel mettra par exemple une éternité à se trouver un logement approprié. Plus tard, il déniche en librairie un roman intitulé Le meurtre de Bleston, livre qu’il affectionne d’emblée en raison de son titre à double sens. Il fera la connaissance de son auteur (qui se cache sous un pseudonyme) et se demandera si ce dernier ne dépeindrait pas un meurtre qui aurait réellement eu lieu dans une maison de Bleston. On ne le saura pas, et je ne vous vole aucun punch: le roman d’enquête n’aboutit jamais. Ce qu’on lit, c’est le récit que fait Revel de son emploi du temps depuis qu’il est débarqué à Bleston jusqu’au jour où il quitte cette ville. Ce qu’on lit, c’est encore (entre autres) la mise en scène d’une ville en tant que personnage. On la sent partout, elle s’immisce dans le style, les figures de la première partie faisant référence aux matériaux inertes dont Bleston est constituée et celles de la deuxième, aux matériaux vivants:
“[…] le métal du ciel passait du zinc à l’étain.” (p. 65)
“Une paupière de nuages, depuis ce matin bien avant mon réveil sans doute, cache le soleil […]” (p. 132)
Il y a énormément de matière dans ce livre, que je n’étalerai pas ici parce que ce n’est pas un blogue n’analyse littéraire, mais d’impressions spontanées, à quelques exceptions près. Je dirai simplement que ce n’est pas une lecture qu’on fait pour le plaisir, c’en est une qu’on fait par intérêt littéraire, par curiosité, sinon, comme ça a été mon cas, par obligation curieuse ou par curiosité obligée… Pas une mauvaise expérience…
L’emploi du temps en extraits
“Ce matin-là, le vieux John Matthews, que je n’avais encore jamais vu, semblable au squelette de son fils, sur lequel la peau se serait racornie a fait une apparition dans la salle […].” (p. 25)
“Il s’agit de retrouver cette première entrevue, l’impression qu’elle m’a faite ce jour-là, c’est-à-dire de supprimer tout ce que j’ai su d’elle par la suite; pendant plusieurs mois je me suis demandé si je n’en étais pas amoureux, c’est que, les premiers temps, avant qu’elle ne m’eût fait rencontrer sa sœur Rose, elle était la seule jeune fille avec qui j’eusse des conversations dans Bleston.” (p. 49)
BUTOR, Michel. L’emploi du temps, Éditions de Minuit, Paris, 1956, 304 p.