Je me souviens que mon amie Vicky (salutations) ait lu ce livre de Louisa May Alcott alors que nous étions toutes jeunes. Je me rappelle qu’elle l’ait apprécié et, un peu plus tard, j’ai vu le film qui passait à la télévision. L’ai-je visionné en entier? Je n’en ai aucune idée, seule la scène sur la rivière gelée a frappé ma mémoire (ainsi fonctionne ma mémoire des films… et même des livres, souvent, grande raison d’être de ce blogue). Quoi qu’il en soit, quand j’ai effectué des recherches pour mon cinéclub littéraire, Les quatre filles du docteur March m’a semblé un bon titre à retenir.
L’histoire des Quatre filles du docteur March se déroule aux États-Unis pendant la guerre de Sécession. M. March a dû quitter son épouse et ses filles pour servir l’armée nordiste et toutes s’ennuient de lui et s’inquiètent. Malgré cela, la vie doit continuer et les quatre sœurs aux caractères si différents travaillent, se soutiennent… et s’amusent chaque fois qu’elles le peuvent.
Ce roman pour jeunes filles, publié en 1868, a connu un grand succès. Si je l’avais lu plus jeune, il m’aurait sans doute fait rêver moi aussi. Le lien qui unit ces quatre sœurs est enviable, leurs amitiés intéressantes et l’amour naissant emballant… Surtout, malgré les épreuves rencontrées par les sœurs, l’univers sur lequel repose le livre est fait de joie communicative.
Toutefois, j’ai fait la lecture des Quatre filles du docteur March à l’âge adulte et, malgré le plaisir que j’ai pris à le lire, les cheveux m’ont frisé sur la tête à quelques occasions. Je lis souvent des romans d’époque où la condition de la femme n’est pas celle d’aujourd’hui sans que j’en sois “dérangée”. Pourtant ce roman m’a inspiré un léger malaise. Certes, l’histoire se déroule dans les années 1860 et présente la vie telle qu’elle était à l’époque et ses personnages féminins sont assez libres et pleins de personnalité… Qu’est-ce qui m’a dérangée, alors? L’aspect moralisateur du roman: voici comment une jeune femme doit se tenir dans le déni de soi. Le déni de soi me révolte. Et c’est définitivement cette valeur qu’enseigne le livre. Oui, j’ai le sentiment que Les quatre filles du docteur March veut m’enseigner à être une charmante jeune femme… Voilà, c’est cet aspect pseudo-pédagogique qui m’agace.
“Il y a de nombreuses Beth dans le monde, timides, tranquilles, vivant pour les autres si naturellement que personne ne s’aperçoit des sacrifices qu’elles font jusqu’à ce qu’elles disparaissent, laissant le silence et l’ombre derrière elles.” (p. 69)
“«Tandis que je taillais des gilets de flanelle bleue, je pensais à votre père, si seul. Je me disais combien nous serions malheureuses si quelque chose lui arrivait. Ce n’était pas raisonnable de ma part mais je ne pouvais me défendre d’être inquiète. Soudain, un vieil homme est venu s’asseoir près de moi. Je lui ai parlé, car il semblait pauvre, las, angoissé. Je lui ai demandé s’il avait des fils à l’armée, puisqu’il m’apportait une commande. «— Oui, madame, j’en avais quatre, deux ont été tués, un est prisonnier et je m’en vais voir le quatrième qui est très malade dans un hôpital de Washington, m’a-t-il répondu d’une voix douce.
«— Vous avez fait beaucoup pour votre pays, monsieur, lui ai-je dit, éprouvant alors plus de respect que de pitié.
«— Pas plus que je ne l’aurais dû, madame. J’irais moi-même si je pouvais être utile.»
«Il avait l’air si sincère que j’ai eu honte de moi. Seul mon mari est parti et j’ai mes quatre filles pour me réconforter. Je me suis sentie si riche, si heureuse, en pensant à tout ce que j’avais, que je lui ai fait un beau ballot de vêtements, lui ai remis un peu d’argent et l’ai remercié du fond du coeur de la leçon qu’il m’avait donnée.»” (p. 72-73)
“Il y a quarante ans que j’essaye de me dominer, ma chérie. Presque chaque jour de ma vie, j’éprouve de la colère, mais j’ai appris à ne pas le montrer.” (p. 110)
Enfin, il faut le dire, ces valeurs d’autrefois ne se sont pas encore complètement effacées aujourd’hui. Elles perdurent. On en fait des qualités, surtout féminines: le calme, la réserve, l’altruisme… des traits de caractère qui ont du positif, certes. Ce qui m’a agacée dans ma lecture des Quatre filles du docteur March, c’est que j’avais le sentiment qu’on tentait de ne résumer la femme qu’à cela. Enfin, on peut parfaitement passer par dessus cela pour profiter de ce roman joyeux, où la cacophonie d’une assemblée de jeunes filles imaginatives est bien rendue. C’est un livre qu’on aime pour son ambiance et ses personnages, un roman initiatique au féminin, celui de 1868…
Les quatre filles du docteur March au cinéma
Les quatre filles du docteur March a été adapté au cinéma à cinq reprises en plus d’avoir fait l’objet d’une série animée (selon Wikipedia). J’ai choisi la version de 1994 de Gillian Armstrong. Je ne l’ai pas encore réécoutée et, je l’ai dit, j’en garde un lointain souvenir. Toutefois, si je me fie à la bande annonce, je dirais que le contenu du film dépasse largement celui du livre: l’adaptation cinématographique semble englober la suite du roman, Le docteur March marie ses filles, que je n’ai pas lue.
Les quatre filles du docteur March en extraits
“[…] la joie de tous dépend du concours de chacun.” (p. 125)
“Kate connaissait en effet différents jeux et ils allèrent sous le chêne-salon jouer au «rigmarole». Quelqu’un commençait une histoire, n’importe laquelle, s’arrêtait court à un moment palpitant, le suivant prenait la relève et ainsi de suite. Cela produisait des effets très comiques quand le jeu était bien mené.” (p. 136)
ALCOTT, Louisa May. Les quatre filles du docteur March, Le livre de poche