Je me suis procuré Les sangs d’Audrée Wilhelmy lors de l’évènement Le 12 aout, j’achète un livre québécois, sans trop savoir à quoi m’attendre, sinon à “des sangs”. Aussi ai-je été relativement surprise d’y découvrir une exploration des relations sadomasochistes, menant ici à la genèse d’un meurtrier. Désir, violence, sacrifice de soi. Désir.
Les sangs est divisé en sept parties, chacune consacrée à une des femmes qui ont traversé l’existence de Féléor Barthélémy Rü. Sept voix différentes donc, qui racontent la rencontre, le désir, la douleur, le quotidien que ces femmes ont choisi de vivre auprès de Féléor. Des pages dans un journal. Puis, pour clore chaque partie, les mots de Féléor racontant la mort de chacune de ces femmes.
L’écriture de Les sangs est belle, poétique, et flotte sur ce récit qui rappelle un songe: lieux irréels, époque incertaine, contexte social non présenté. Ce court roman (155 pages) se lit bien, malgré quelques scènes plus dures ou dégoutantes, grâce à cette écriture fluide et à la division du texte en parties. Malgré tout, ça n’a pas été un coup de cœur pour moi. Il faut pour cela que le livre nous parle, nous nourrisse, et, en ce qui me concerne, ça n’a pas été le cas avec Les sangs. Mais je crois qu’il pourra interpeler d’autres lectrices, d’autres lecteurs.
Les sangs en extraits
“Le jupon de toile laisse entrevoir des jarretelles brunes; les chevilles d’oiseau disparaissent sous des jambières de laine foncée qui tombent par-dessus les sabots. La robe est bleue, usée, ample, retenue à la taille par un ruban fuchsia; la manche glisse sur l’épaule, dévoile la dentelle rose-thé des dessous.
Rire rauque qui contredit la gracilité féminine du corps. Le son monte du ventre et se brise dans la gorge. Main gauche contre la bouche, auriculaire surélevé, doigts tendus devant les lèvres. La défunte mère, mondaine consommée, devait avoir le même geste.” (p. 9)
“Et voilà la preuve de ce que je dis sur l’écriture. Je ne sais pas écrire. Je me relis, et ce que j’écris ici est vrai, en même temps que ça ne l’est pas. Dans l’espace d’une pensée, toutes les nuances sont évidentes. En mots, elles ne le sont pas. Il ne faut jamais essayer de dire les choses qu’on pense en espérant qu’elles seront logiques pour quelqu’un d’autre.” (p. 100)
WILHELMY, Audrée. Les sangs, Leméac Éditeur, Montréal, 2013, 155 p.