L’incolore Tsukuru et ses années de pèlerinage est le dernier Murakami. Petite lecture plus relaxe pour débuter les vacances. Seule lecture des vacances, finalement. Il y a des fois où on se laisse gagner les films et les jeux vidéos, et c’est très bien comme ça…
L’incolore Tsukuru Tazaki est dans la trentaine. Passionné des trains, il est devenu ingénieur et travaille sur les gares de Tokyo, où il habite depuis l’université. Il a quitté Nagoya au moment d’entreprendre ses études, le seul de son groupe de cinq amis inséparables à avoir quitté leur ville d’origine, le groupe semblant trop important aux autres pour oser l’éloignement. La première année, régulièrement, il revenait passer des fins de semaine ou les vacances pour retrouver ses amis. Jusqu’au jour où chacun refusa soudainement et catégoriquement de le voir. Pendant seize années, Tsukuru continua sa vie sans demander d’explication, acceptant ce douloureux abandon comme s’il résultait de son manque de couleur.
Je n’ai pas grand-chose à dire sur L’incolore Tsukuru et ses années de pèlerinage. J’ai aimé. C’était doux, intrigant, mais sans grand dénouement. J’y ai déniché quelques belles pensées, comme souvent. Lecture facile.
L’incolore Tsukuru et ses années de pèlerinage en extraits
“La jalousie, du moins telle que Tsukuru l’avait conçue dans son rêve, est la prison la plus désespérée du monde. Parce que c’est une geôle dans laquelle le prisonnier s’enferme lui-même. Personne ne le force à y entrer. Il y pénètre de son plein gré, verrouille la porte de l’intérieur puis jette la clé de l’autre côté de la grille. Personne ne sait qu’il s’est lui-même emprisonné. Bien entendu, si le captif décidait d’en sortir, il le pourrait. Parce que cette prison se situe dans son coeur. Mais il est incapable de prendre cette décision. Son coeur est aussi solide et dur qu’un mur de pierre. Telle est la véritable nature de la jalousie.” (p. 52-53)
“Les hommes privés de liberté en viennent toujours à haïr quelqu’un.” (p. 73)
“Pour penser librement, il faut s’éloigner du moi gorgé de chair. Sortir de la cage étroite de son propre corps, se libérer de ses chaînes, et s’envoler vers le domaine de la logique pure. C’est dans la logique qu’on trouve une vie naturelle et libre. Cette liberté est le coeur même de la pensée.” (p. 73)
“Je pense que la vérité est comme une ville ensevelie dans le sable […]. Plus le temps passe, plus la couche de sable qui la recouvre est épaisse. Il peut aussi arriver que le sable finisse par être balayé avec le temps et que les contours de la ville soient mis au jour.” (p. 191)
“Tu ne trouves pas qu’il y a là un grand paradoxe? Dans le cours de notre vie, nous découvrons notre vrai moi. Et, au fur et à mesure que cette découverte se fait, nous nous perdons.” (p. 203)
“Le coeur de l’homme est un oiseau de nuit. Il reste calmement dans l’attente de quelque chose, et, le moment venu, il s’envole droit vers sa destination.” (p. 256)
“Ce n’est pas seulement l’harmonie qui relie le coeur des hommes. Ce qui les lie bien plus profondément, c’est ce qui se transmet d’une blessure à une autre. D’une souffrance à une autre. D’une fragilité à une autre. C’est ainsi que les hommes se rejoignent. Il n’y a pas de quiétude sans cris de douleur, pas de pardon sans que du sang ne soit versé, pas d’acceptation qui n’ait connu de perte brûlante. Ces épreuves sont la base d’une harmonie véritable.” (p. 299)
MURAKAMI, Haruki. L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, 10/18, Paris, 2015, 354 p.