Mon oncle Oswald

On connait tous un peu Roald Dahl (1916-1990) malgré nous. C’est qu’il a écrit les nouvelles ou romans ayant inspiré les films Les Gremlins, Charlie et la chocolaterie, Matilda et Fantastique Maître Renard. Mais cet écrivain anglais, ayant largement versé dans la littérature jeunesse, a aussi écrit des textes pour les adultes, dont le roman Mon oncle Oswald. Et c’est définitivement un livre pour adultes. Paru en 1979, le roman, toujours teinté de l’humour particulier de l’auteur, raconte comment l’oncle Oswald, personnage principal, a fait fortune… d’une façon plutôt particulière.

Mon oncle Oswald Roald Dahl

Les mots scabreux et salace reviennent dans le livre pour décrire les péripéties du personnage. Ça donne déjà le ton. C’est que le livre donne dans les coucheries hautes en couleur. En 1912, à 17 ans, Oswald quitte Londres pour s’installer momentanément à Paris. Toutefois, juste avant, on lui raconte une histoire sur un insecte dont la poudre serait un aphrodisiaque extrêmement puissant, voire dangereux lorsque prise en trop grande quantité: “La cantharide ordinaire se rencontre en Espagne et en Italie du Sud. Or l’insecte dont je vous parle est le méloé soudanais; bien qu’il fasse partie de la même famille, il s’agit en réalité de tout autre chose. La poudre de méloé est approximativement dix fois plus puissante que celle de la cantharide commune. Le spécimen soudanais provoque une réaction si incroyablement forte que son emploi est dangereux même à des doses minimes.” (p. 19) On découvrira que la poudre met exactement 9 minutes à réagir après avoir été ingérée. Sitôt passé ce temps, l’homme qui en a consommé traverse une minute de paralysie. Il est figé sur place. Puis il ressent une sensation de brulure dans l’entrejambe toujours accompagnée d’une érection, et il devient un peu fou: gare à vous mesdames, son désir est absolument incontrôlable et son érection, infatigable.

Et ce n’est que le début de Mon oncle Oswald. Le personnage fera un détour par le Soudan, négociera la poudre à bon prix, en rapportera une immense quantité, la testera sur sa voisine de chambre puis confectionnera des pilules rouges contenant chacune une dose de cet aphrodisiaque et en fera la vente. Dès lors, sa fortune commence à se bâtir. Il rentre à Londres poursuivre ses études de chimie. Là-bas, il se lie d’amitié avec le professeur A. R. Woresley qui lui confie un soir avoir fait une découverte extraordinaire: la congélation du sperme et l’insémination artificielle. Il s’est pratiqué sur le troupeau de vaches de son frère après avoir volé le sperme du taureau d’un voisin. Voilà qui donne une idée extraordinaire au personnage principal: constituer une banque avec le sperme de tous les hommes devant rester célèbres après leur mort dans le but de le vendre  secrètement (une fortune) à des épouses désabusées. Il dresse alors la liste des hommes destinés selon lui à demeurer ou à devenir célèbres après leur décès, en commençant par les rois et en passant par Proust, Einstein, Freud, Picasso, Monet… Sa complice, Yasmin, les séduira, aidée de la poudre de méloé, et récoltera leur semence grâce à un tube de caoutchouc ressemblant en tout point à un condom. Bref, on est loin des contes pour enfants.

Mon oncle Oswald n’est pas un livre que je recommanderais parce qu’il n’a rien d’extraordinaire. Il se lit bien – la plume de Dahl nous porte du début à la fin sans longueur – c’est léger et divertissant, mais c’est plus grossier que subtil (c’est voulu). L’auteur s’amuse, semant quelques préjugés et idées machos au passage. Il se paye entre autres la tête de Proust et de Freud.

Enfin, mine de rien, Dahl semble s’être documenté pour l’écriture de Mon oncle Oswald. J’ai fait quelques recherches dans Internet et j’ai découvert qu’on a effectivement attribué des vertus aphrodisiaques à la cantharide. Le procédé de congélation du sperme dilué dans un mélange de jaune d’œuf et de glycérine tel que décrit dans le roman n’est pas non plus l’invention de l’auteur.

Mon oncle Oswald en extraits

C’était pour moi une vraie joie de voir mon père s’exalter de la sorte. À l’écouter ainsi au cours de mes jeunes années, je ne tardai pas à comprendre à quel point il importait de faire preuve d’enthousiasme dans la vie. Il m’enseigna que, si l’on s’intéressait à un sujet quelconque, il fallait foncer de l’avant à toute allure. Le serrer dans ses deux bras, l’embrasser, l’aimer, et surtout se passionner ardemment pour lui. La tiédeur ne donne aucun résultat. La chaleur non plus. Seule la passion résolument ardente apporte la satisfaction.” (p. 59)

 “Personnellement je suis très scrupuleux sur les méthodes que j’emploie. Je refuse toute entreprise susceptible de me rapporter de l’argent si elle n’obéit pas à deux règles d’or. D’abord, cela doit me divertir énormément. En second lieu, cela doit procurer beaucoup de plaisir aux personnes à qui j’extorque mon butin.” (p. 206)

DAHL, Roald. Mon oncle Oswald, Folio Gallimard, 1986, 320 p.

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