Voilà achevé Monsieur Malaussène, le 4e tome de la saga des Malaussène de Daniel Pennac. Toujours un plaisir, toujours extravagant. Cette fois, l’auteur s’est (très) laissé aller dans le jeu de mots et dans la tautologie. Un auteur bien conscient des procédés qu’il emploie et qui se plait à nous les exposer par le biais de son narrateur:
“-Du calme, c’est fini. Détendez-vous. C’était pour rigoler. Comment vous vous appelez?
-Clément.
-Clément comment?
-Clément Clément.
C’était probablement vrai. Il avait bien une bouille à sortir d’un papa suffisamment fier de son spermato pour en faire une tautologie.” (p.59)
“Je sais, je sais, on peut tout dire, mais on n’a pas le droit de trimballer le lecteur sur une profondeur de huit chapitres en lui annonçant à l’orée du huitième que toute cette tension tragique, ce sentiment d’injustice qui croissait à chaque mot, cet effroyable verdict enfin, que tout cela était une blague, et que les choses se sont passées différemment. Ça relève de l’abus de confiance, ce genre de procédé, ça devrait être puni.” (p.522)
Voyez-vous, Pennac aime beaucoup la mise en abyme, procédé qu’il exploite allègrement dans cette série où chaque histoire vécue par le narrateur sera reprise tôt ou tard par un autre personnage pour en faire un roman ou raconter une histoire aux enfants… Les choses s’emboitent en série. C’est ce que ce dernier passage de Monsieur Malaussène annonce.
Et parce que j’ai pris des notes, cette fois, voici quelques extraits qui m’ont particulièrement amusée.
Monsieur Malaussène en extraits
“Savez-vous que d’un point de vue génétique nos enfants naissent plus âgés que nous?… l’âge de l’espèce, plus le nôtre… génétiquement parlant, ils sont nos aînés…” (p. 63)
“Ce fut le moment que Liesl choisit pour plaquer son regard sur le ventre de Julie.
-C’est pour quand?
-Le printemps prochain, répondit Julie.
-Ce n’est pas forcément la meilleure époque, ma chérie. J’ai fait le mien au printemps, il a passé sa vie à bourgeonner.
Allusion délicate à l’eczéma et aux rhumatismes chroniques de Matthias.” (p. 101)
“Une erreur judiciaire est toujours un chef-d’œuvre de cohérence.” (p. 502)
“Le soleil ensoleillait. Les bourgeons bourgeonnaient. Les pigeons pigeonnaient.” (p. 566)
“J’ai senti que ça s’était accroché, en effet. Il y avait de la vie furieuse à l’autre bout de ma ligne.
-Ne tirez pas. Respectez sa mauvaise humeur, mais sans le laisser en faire à sa tête. Vous l’accompagnez, pour ainsi dire. S’il veut du fil, donnez-lui du fil. Mais jamais mou. La technique de la filature, en somme.
Le moulinet moulinait furieusement.
-Stop! Pas trop long. Obligez-le à faire ses abdominaux entre deux eaux, qu’il n’aille pas se cacher derrière une épave. Voiaaaaaalà. C’est lui le muscle et vous le cerveau, Benjamin, n’oubliez jamais ça. Quand il sera bien fatigué, il sera content de venir vous trouver, comme un coupable soulagé de se faire prendre […]” (p. 597)
Enfin, j’ai aussi recueilli une belle liste de figures de style. Je vais pouvoir m’amuser avec les élèves…
PENNAC, Daniel. Monsieur Malaussène, Folio Gallimard, 1997, 656 p.