Rosa Candida

Il est rare que j’aie envie de lire un livre une deuxième fois. Pourtant, il me semble que je pourrais relire Rosa candida d’Audur Ava Olafsdóttir bientôt et y reprendre tout autant plaisir. C’est qu’il s’en dégage un sentiment de pureté, de candeur et de simplicité qui ont tout pour plaire.

Rosa Candida Audur Ava Olafsdottir

Arnljótur, jeune Islandais de vingt-deux ans a perdu ses repères depuis la mort accidentelle de sa mère avec qui il partageait la passion des plantes. Ensemble, ils cultivaient toutes sortes de fleurs dans la serre derrière la maison, ne e laissant pas décourager par les sols arides de leur pays.

Un jour, Arnljótur rencontre Anna et fait l’amour dans la serre. Un instant volé dans une vie. Un quart de nuit, à peine. Le temps de concevoir un enfant. À vingt-deux ans, Arnljótur se retrouve donc père d’une petite fille de cinq mois. Une petite fille qu’il a eue avec une inconnue. Il salue mère et fille et se prépare à partir pour un voyage vers des terres plus fertiles, jusqu’au monastère où il s’est fait embaucher pour prendre soin du renommé Merveilleux Jardin des Roses Célestes.

Les lieux visités lors de son trajet jusqu’au jardin ne sont jamais nommés. Le lecteur ne peut que tenter de deviner. Personnellement, je dirais qu’il est possible que la petite bourgade où il se rend soit située dans un coin perdu de l’Italie. Quoiqu’il en soit, il est accueilli dans un petit village à flan de montagne, un village aux multiples couleurs et églises où se parle un dialecte en voie de disparaitre. Il s’y installe et commence son travail au jardin tout en se posant mille questions sur la vie. À plusieurs reprises, il sort la photo de sa fille pour la montrer aux gens.

Rosa Candida est un roman qui croque les instants du quotidien, les pensées les plus simples et les plus intimes d’un être en quête de sens. Le narrateur ne nous raconte pas son histoire, il la vit doucement ou se la remémore par bribes, nous la laissant entrevoir du même coup.

Je dois l’admettre, j’ai acheté Rosa Candida parce qu’il porte le nom d’une fleur et qu’il est écrit sur la quatrième de couverture que boutures, graminées et roses sont partie inhérente du monde du narrateur. Je me sentais l’âme d’une fille qui ne s’est pas encore suffisamment promenée en forêt ou en jardin avant l’arrivée de l’hiver. Je pensais aussi découvrir plus avant l’Islande, mais le narrateur quitte son pays après les premiers chapitres. Malgré tout, le roman m’aura fait réaliser que ce beau pays aux paysages verdoyants sur lequel je m’extasie peut sembler hostile à certains (ici le narrateur). Pour la première fois on m’a fait penser que sous cette mousse magnifiquement verte se cache un champ de lave où il est impossible de faire pousser quoi que ce soit.

La première fois qu’il traverse une forêt, le narrateur se demande comment les gens qui ont grandi parmi les arbres conçoivent le monde:

“Je me retrouve en pleine forêt, littéralement encerclé de toutes parts par les arbres, sans la moindre idée de l’endroit où je me suis fourré. Est-ce qu’un homme élevé dans les profondeurs obscures de la forêt, où il faut se frayer un chemin au travers de multiples épaisseurs d’arbres pour aller mettre une lettre à la poste, peut comprendre ce que c’est que d’attendre pendant toute sa jeunesse que pousse un seul arbre?” (p. 87)

À un autre niveau, un parallèle avec la religion catholique s’installe un repère à la fois. À travers les embuches que franchit le jeune homme dans son parcours initiatique. Par le fait qu’il se retrouve dans un village loin du monde où tout ne se présente qu’en un seul exemplaire sauf les églises qui surgissent de partout. Par l’heureux hasard de la naissance de son enfant. Par le fait que sa fille ressemble en tout point à l’enfant Jésus du tableau ornant un mur de l’église en pierre. Et encore. Certains prendront plaisir à reconnaitre ces indices et à leur donner un sens, mais ces indices ne dérangeront aucunement la lecture des autres.

Rosa Candida en extraits

“La fenêtre donne sur une cour étroite avec vue depuis le lit sur l’appartement voisin illuminé, cuisine sans rideau et salle à manger, qui doivent être à quelque quatre mètres de ma couche. C’est comme regarder à l’intérieur d’une maison de poupée dont on aurait enlevé la façade et observer des échantillons de vie familiale.” (p. 54)

“«C’est curieux, cette manie de tout renouveler. […] Thórarinn, le fils de Bogga, a déjà tout changé plusieurs fois dans leur appartement. Dès qu’une chose a deux ans, il faut la remplacer. Cette manie de renouvellement est loin d’être normale. Tout doit être impeccable. On dirait que l’homme pense échapper à la mort, s’il passe sa vie à renouveler les conduites et les installations», dit l’électricien qui a toujours les placards de cuisine bleu clair qu’il avait fabriqués lorsque maman et lui avaient emménagé dans la maison.” (p. 139-140)

“La beauté est dans l’âme de celui qui regarde.” (p. 173)

“J’ai tellement peur que mes pensées se voient sur mon visage. Anna est sûrement une de ces personnes sensibles qui voient les pensées sous formes d’images entourées de dentelle nuageuse, avant même qu’on les ait cogitées soi-même jusqu’au bout. Maman était comme ça, elle pouvait dire ce que j’étais en train de penser.” (p. 268)

OLAFSDOTTIR, Audur Ava. Rosa Candida, Points Seuil, 2010, 332 p.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *