Pierre, Hélène & Michael – Cap Enragé

J’ai découvert Herménégilde Chiasson pour la première fois lorsque je suis allée aux Correspondances d’Eastman en 2015. Plus tard, j’ai eu la chance d’assister à un atelier d’écriture qu’il a animé à Québec, mais je n’avais rien lu de lui avant cette année. Le premier texte de sa plume que j’ai découvert est publié dans Sur les traces de Champlain, et m’a laissée un peu dubitative. Il y présente une entrevue fictive avec Samuel de Champlain en jouant sur les anachronismes. C’est intéressant, mais cela ne m’a pas autant charmée que les deux pièces de théâtre dont je viens de faire la lecture: Pierre, Hélène & Michael et Cap Enragé. Continue reading « Pierre, Hélène & Michael – Cap Enragé »

Correspondances d’Eastman, jour 4 (9 aout)

Dimanche. Dernière journée des Correspondances sous un soleil magnifique. Pas de lecture sur l’heure du diner; cette fois, je mangerai bien tranquillement, sur un banc du parc du temps qui passe. Aujourd’hui, une conférence de Dany Laferrière m’attend.

Parc du temps qui passe Easman Correspondances d'Eastman

Café littéraire: l’enfance au risque de la mémoire

L’animatrice Marie-Andrée Lamontagne recevait pour le premier café littéraire de la journée les auteurs Herménégilde Chiasson et Michael Delisle, les deux ayant eu une enfance particulière ou difficile.

Herménégilde Chiasson, auteur acadien, est issu de parents complètement analphabètes. Malgré un milieu dysfonctionnel, encouragé par sa mère, il complète vingt-quatre années de scolarité. Son doctorat en poche, il constate toutefois que son niveau de connaissance a fini par créer un écart entre lui et les siens, leur réalité n’étant plus la même. Il a ce que sa mère considérait comme l’autre vie: l’éducation.

“Qu’est-ce qui nous permet de statuer qu’une enfance a été heureuse ou non?” questionne-t-il. Puis il cite Aragon: “Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard.”

Pour lui, la forme est une fusée porteuse. Il sait de quoi il parle, sa série Autoportrait ayant été écrite à partir d’un jeu de contraintes: douze courts volumes, chacun ayant pour prémisse un titre, un thème commençant par l’une des douze lettres de son prénom: Histoires, Espaces, Refrains, Mots, Énigmes, Nostalgies, Émotions, Gestes, Identités, Lectures, Découpages et Excuses, parus chez Prise de parole, à raison d’un par mois.

Il considère que la contrainte permet d’apprécier la performance. De là, pour lui, l’importance de la forme. Les gens qui entrent dans une galerie d’art ne savent plus sur quoi se baser pour évaluer ou aborder l’œuvre, car la modernité et ses libertés a en partie fait disparaitre le repère que peut être la contrainte. Dans un même ordre d’idée, et peut-être parce qu’il est aussi artiste, il considère la littérature comme un “bricolage savant”.

Michael Delisle a connu un père violent qui s’est plus tard accroché à la religion. Dans son livre Le feu de mon père, il relate son histoire familiale, dans un récit qui, sans être parfaitement exact, est construit à partir des versions offertes par son père et par sa mère. Ce récit, pour lui, demeure réel, car il l’a intégré comme tel au fil de son enfance. C’est cette mythologie familiale qui l’a construit.

Par souci de réalisme, il modifie parfois un peu les évènements: la réalité aime les coïncidences, le réalisme, non.

“J’écris pour savoir à quoi ressemble la vie une fois écrite”, dit-il. Il ajoute plus tard: “À force de travailler sur l’enfance, l’enfance évolue.”

Café littéraire: mon enfance est la tienne

Pendant ce café littéraire littéraire animé par Catherine Voyer-Léger, j’ai pris bien peu de notes. Tellement que je me demande comment je vais en parler. S’y trouvaient Denise Desautels (Sans toi, je n’aurais pas regardé si haut), Laure Morali (Orange sanguine) et Simon Roy (Ma vie rouge Kubrick).

J’ai été touchée par Simon Roy et bien intriguée par son livre, mi-récit, mi-essai. Mais je ne paraphraserai ici qu’une parole de Laure Morali: de notre enfance, on garde bien ce que l’on veut; et ce qu’on garde, on le reconstruit.

Café littéraire: Dany Laferrière

C’est une heure qui a passé extrêmement rapidement. Dany Laferrière est de ces hommes qu’on se plait à écouter, parce qu’il parle intelligemment, mais aussi parce qu’il se livre, dans la colère passagère ou dans l’humour. Ne l’ayant jamais lu, j’ai découvert son œuvre par bribes, à travers la voix de la merveilleuse Marie-Thérèse Fortin, que j’admire pour son apparente grande authenticité.

Je n’ai pas apprécié l’animation du pourtant sympathique Dominic Tardif, qui m’a semblé préférer la légèreté à la rigueur. Il a eu l’idée (bonne, quand même) de suggérer à l’auteur de manger une mangue de la façon dont il l’explique dans un de ses livres. Joli écho à son œuvre, certes, mais j’avais l’impression que ce temps aurait pu être mieux investi. Peut-être simplement parce que j’avais conscience qu’une heure, c’est vite passé.

Heureusement, Dany Laferrière aime philosopher et il lui en faut peu pour se laisser aller à discourir longuement. Très peu sur la littérature en tant que telle (et je m’aperçois que c’est ce que je reproche à M. Tardif dans son animation), mais le tout était très intéressant, sinon divertissant.

Il a parlé de cette génération d’enfants qui est élevée dans l’univers de Disney, les enfants Disney. Tous vont partager les mêmes souvenirs, les mêmes références. Ils deviendront en quelque sorte une meute. D’ailleurs, pour connaitre l’âge de quelqu’un, il suffit de chanter une chanson ancienne (Disney ou non); à preuve que les meutes ne datent pas d’aujourd’hui. Laferrière regrette qu’il n’y ait pas plus de voix discordantes. Pourquoi devrions-nous tous partager la même enfance?

Il croit que nous commençons à structurer les enfants trop tôt. Ils sont sous surveillance, dit-il. Mais si l’enfant perd toute sa fantaisie, on est mort, c’est comme avec les abeilles, dit-il. Notre vie est en danger si ce conditionnement continue.

C’est donc normal que nous soyons mal dirigés. Nous avons fait de nos politiciens des hommes médiocres.

Quand Dominic Tardif lui demande lequel de ses livres il considère comme le plus abouti (ou un truc comme ça), Laferrière s’emporte: “Ne m’emmerdez pas avec mes livres!” À son avis, c’est notre travail à nous, lecteurs, de juger de la qualité de ses œuvres. Son travail à lui, c’est de les écrire. Qu’on n’aille pas lui demander dans quel objectif il a écrit telle partie, qu’on se débrouille! Puis, demander à un auteur lequel de ses livres est son préféré serait aussi déplacé que de demander à un parent lequel de ses enfants il préfère. On peut avoir un préféré, mais qu’on n’aille pas le dire à l’auteur ou au parent.

Il affirme qu’à ses eux, un prix Nobel est une personne qui a dépassé la technique et peut désormais l’appliquer dans la vie. Il fait un parallèle avec la technologie: un peu abrutit, beaucoup libère (selon un certain philosophe québécois dont le nom lui échappe sur le moment).

Enfin, il définit ainsi la paresse: faculté de se reposer avant la fatigue.

Cérémonie de clôture

On se déplace au Cabaret d’Eastman pour la cérémonie de clôture. Lecture et dévoilement des lettres gagnantes. L’après-midi est avancé. Je reprends vite la route.