La cote 400 de Sophie Divry: voilà un livre qui donne envie d’être bibliothécaire!
Un matin, une bibliothécaire de province attitrée à la section géographie, située au sous-sol, découvre un lecteur endormi. Le pauvre s’est retrouvé enfermé dans la bibliothèque après sa fermeture et a dû y passer la nuit. La bibliothèque étant encore fermée à cette heure matinale, notre bibliothécaire, refusant d’appeler la sécurité, garde ce lecteur égaré avec elle en attendant l’ouverture des portes. Elle se lance alors dans un monologue de 94 pages où, un peu aigrie, peut-être un brin désaxée, elle se dévoile spontanément, passionnément, révélant ses lubies et ses diverses frustrations.
La cote 400 est court, mais réjouissant. On sourit, on rit devant les extravagances d’un personnage plutôt attachant, plein d’humanité dans ce qu’elle a de névrosé.
Le personnage se plaint en partie de son métier. Pourtant, on termine La cote 400 en se disant qu’on aimerait bien être bibliothécaire… Il faut croire que la magie opère…
La cote 400 en extraits
“Et puis, de toute façon, on ne se méfie jamais assez des lecteurs. Je ne dis pas cela pour vous, je dis cela en général: au fond, un lecteur ne vient en bibliothèque que pour y mettre du désordre. Donc, si on veut limiter la casse, il faut les surveiller de près. Ma mission peut se résumer à cela: empêcher les lecteurs de pervertir le grand ordonnancement de mon sous-sol. Je n’y arrive pas toujours. Régulièrement, ils font des bêtises. C’est inévitable. Ils déclassent, ils volent, ils écornent, ils dérangent. Il y en a même qui arrachent des pages.” (p. 24)
“Et puis, avec ces livres que je lis dans le silence, je suis tranquille: mes auteurs préférés sont tous morts. Ils ne risquent pas de venir dépareiller mes pantoufles ni d’annoter des pages. Je suis tranquille. Bien tranquille.” (p. 26)
“Et c’est alors que je me suis rendu compte à quel point, dès les premiers pas, sa nuque m’avait subjuguée. Car, enfin, n’y a-t-il rien de plus fascinant qu’une belle nuque? Une nuque, c’est une promesse, un résumé de la personne entière par sa partie la plus intime. Oui, intime. N’est-elle pas cette partie du corps que jamais vous ne pourrez observer vous-même? Ce bout de cou faiblement chevelu, tendu vers le ciel, n’est-il pas le derrière de la tête, la dernière révérence, l’envers de notre esprit?” (p. 28-29)
“C’est fait pour ça un sofa: s’asseoir, boire un thé et parler de littérature.” (p. 30)
“C’est aussi pour ça que je ne voyage plus: partout où je peux aller, Napoléon est déjà passé, je n’en peux plus.” (p. 38)
“Je venais de quitter Paris. J’arrive dans cette province perdue, je m’installe. Ou plutôt nous nous installons. Car je n’étais pas seule, voyez-vous. Je n’aurais pas eu l’idée de venir seule dans une ville pareille. J’ai accepté de déménager parce que j’avais la mauvaise idée d’être amoureuse. Très mauvais idée. Je ne comprends pas l’attrait permanent qu’entretiennent nos contemporains pour le sentiment amoureux. C’est une perte de temps, un bouleversement infantile, fatigant, stupide.” (p. 45)
DIVRY, Sophie. La cote 400, 10/18, 2013, 96 p.