En janvier dernier, David Goudreault, poète, slameur et romancier, est venu dans le coin pour présenter une série d’ateliers et de spectacles. J’ai eu la chance de participer, avec mes collègues et des élèves, à son atelier de poésie ainsi qu’à une représentation de son spectacle à la Salle Michel-Côté. L’atelier avait pour objectif de nous faire découvrir et (surtout) apprivoiser la poésie en une heure trente minutes. C’est là que j’ai appris l’existence du recueil Testament de naissance.
L’homme est sympathique et sa passion pour les mots, évidente. Il a l’improvisation facile et une mémoire d’éléphant: je ne me rappelle plus combien de textes de ses poètes préférés il y a emmagasinés en plus des siens, mais c’est assez impressionnant. Cela, répète-t-il, il le doit à une discipline de fer puisqu’il pratique chaque jour une dizaine de déclamations.
En fin d’atelier, j’ai osé lire devant tous le « poème » que j’avais pu pondre dans le temps accordé (qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour courir la chance de gagner un livre?). Cela m’a valu de remporter (par tirage: il y en avait des bien meilleurs que moi parmi mes collègues et mes élèves!) le recueil Testament de naissance. Moi qui ne lis habituellement pas de poésie, il m’a fallu m’y mettre (et ajouter une catégorie poésie à ce blogue pour y classer ce billet). Qu’en ai-je donc pensé?
Testament de naissance célèbre la paternité à venir. L’ouvrage de 69 pages est divisé en trois parties: « Ma grossesse », « Notre accouchement » et « Ta vie à venir ». Remarquez l’évolution des personnes grammaticales, qui passent de la première à la troisième. Choix judicieux pour marquer l’implication de l’auteur dans une expérience dont on ne connait le plus souvent que le point de vue féminin. Je crois que c’est ce qui m’a le plus plu. Cette transformation de l’homme en père, ce regard qui semble s’ouvrir sur une nouvelle dimension, ce cœur qui ne battra plus jamais de la même façon… c’est ce qu’on ressent, en lisant le recueil, comme l’apprivoisement d’une vulnérabilité nouvelle et irrévocable, une épiphanie de tendresse.
Malgré toute cette douceur en filigrane, quelques poèmes durs de Testament de naissance décrivent l’accouchement, et c’est là que j’apprécie le plus la poésie de Goudreault. Les mots frappent et impactent à l’image du phénomène qu’ils décrivent. Ils accouchent d’une image forte dans notre imaginaire, la parturiente crie et se déchire et les mots la suivent. Ce sont à mon avis les plus beaux textes du recueil. En voici un:
Belle de même
De sang rance et sueur chaude
Ta mère en acier trempé
En résilience au sens premier
Tordue et martelée mais debout
Même attachée
Éventrée en public
Au bûcher du bloc opératoireJamais vu une femme couchée
Debout de mêmeFille de battante
Fille de fille de survivante
Fille de fille de fille d’esclave affranchieTu sais ce qu’il te reste à être (p. 37)
Côté spectacle, je crois qu’enseignants et élèves ont unanimement apprécié, sinon c’est mon enthousiasme personnel qui entache ma vision de rose bonbon. Il n’est pas facile d’amener de la poésie sur scène, de nos jours où règnent roman et cinéma (même le théâtre reste à apprivoiser pour plusieurs). Or, le slameur a su user d’un mélange de genres permettant de « capturer » les esprits. Entre le récit de son parcours non dénué d’une morale et les anecdotes dignes d’un stand-up comique, Goudreault insère de la poésie… des slams de son cru, mais aussi des textes de ses poètes préférés. Il a le talent pour rendre à l’oral les textes, nous rappelant que la poésie qu’on lit n’est que l’ombre de ce qu’elle peut être lorsque performée.
Goudreault s’est lancé le défi de rendre la poésie accessible. Il réussit à merveille!
GOUDREAULT, David. Testament de naissance, Les Écrits des Forges, Trois-Rivières, 2016, 69 p.
Très beau texte Christine. J’adore Goudreault. C’est un homme aux multiples talents avec de belles valeurs humaines. J’attends toujours ses chroniques dans Le Nouvelliste avec impatience. Tu devrais venir faire un tour à TR à notre Festival de la poésie l’an prochain.
Merci, Doris! C’est certain que j’aimerais ça! C’est toujours l’horaire qui me retient de faire la route. Je suis certaine que j’adorerais ce festival…