Quand j’ai vu L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet de Reif Larsen en librairie, je me suis dit: wow! Il avait tout pour attirer la vacancière 2013 que j’étais alors: un format attirant, une couverture intrigante, une quatrième de couverture inspirante et une mise en pages toute particulière. C’est pourtant la vacancière 2014 qui l’a lu. Magique? Pas autant que je ne l’aurais cru.
T.S. Spivet est un jeune prodige de douze ans habitant le Montana. Issu d’une famille de prime abord hétéroclite: son père est un fermier-cow-boy dont la culture se limite aux westerns; sa mère, une scientifique perdue dans des recherches aux allures vaines; sa sœur, une adolescente passionnée par les Miss personnalité de ce monde; son frère, mort bêtement. De son côté, T.S. est passionné de cartographie: il dessine des cartes de tout ce qu’il observe, de l’épluchage du maïs à la reproduction des insectes. Il reçoit un jour un appel lui apprenant qu’on lui décerne un prix prestigieux pour son travail scientifique. Sans aviser personne, il prépare ses bagages et orchestre son voyage, seul, vers Washington DC. Ainsi débutent ses aventures.
L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet a tout pour plaire: l’idée est géniale, le concept aussi. Il y a, partout dans les marges, des petits dessins et des pensées (même en format poche, légèrement moins petit que les standards pour cette raison).
Seulement, bien que les critiques semblent enthousiastes, je n’ai pas été si charmée. L’écriture est agréable, mais il y a à mon avis beaucoup trop de digressions. Certes, elles servent à montrer comment fonctionne la tête de ce petit prodige, mais je leur reproche un côté didactique peut-être mal dissimulé. De plus, le récit de L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet ne m’a pas semblé suffisamment vraisemblable, il manque un petit je ne sais quoi pour que j’y crois vraiment (je suis pourtant une lectrice bon enfant). Surtout, ce qui manque à l’histoire, c’est un coeur plus solide, plus dense: le début est intéressant, la fin aussi, mais le milieu s’éternise quelque peu.
L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet au cinéma
Jean-Pierre Jeunet en a fait un film en 2014. Je ne l’ai pas vu, mais les critiques que j’ai survolées sont positives. La bande-annonce laisse d’ailleurs croire à quelque chose de bien, et on y constate déjà que l’adaptation contient quelques judicieux ajouts.
L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet en extraits
“Nous bringuebalions dans le pick-up; mon père avait la main posée sur le haut du volant, son mauvais petit doigt légèrement relevé. Je regardais les chauves-souris qui fusaient en grinçant dans le ciel de plus en plus sombre. Si légères. Elles vivaient dans un monde d’échos et d’écarts, en conversation constante avec les surfaces et les solides.
Je n’aurais pu supporter de vivre ainsi: elles ne connaissaient pas d’ici, seulement l’écho d’un ailleurs.” (p. 77)
“J’ai tenté d’empoigner mon appareil assez vite pour photographier la pancarte, mais, comme c’est si souvent le cas, l’image avait disparu avant que je puisse la saisir. Je craignais que mon album ne contienne que des photos prises un instant trop tard. Combien de clichés, dans le monde, sont en fait des clichés de l’instant d’après, et non de l’instant qui poussa le photographe à appuyer sur le déclencheur? Combien de clichés ne capturent que le vestige, la réaction, le rire, les vagues? Si nombreux soient-ils, ces clichés étaient pourtant tout ce qui me restait, et, parce que je ne pouvais revoir Layton qu’en photo et pas en chair et en os, ces échos d’actions, fixés sur le papier, se substituaient peu à peu dans mon esprit au souvenir des actions elles-mêmes, dont l’image m’avait échappé.” (p. 143-144)
“Les adultes étaient des entasseurs pathologiques de vieilles émotions inutiles.” (p. 333)
LARSEN, Reif. L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet, Le livre de poche, 2010, 408 p.