Un Noël, mon frère et moi avons reçu un Super Nintendo et ça a probablement été le plus beau Noël de ma vie. Possiblement le pire pour ma cousine parce qu’après ça, j’ai juste voulu jouer au Super Nin toute la soirée et elle, elle s’en foutait pas mal, de Mario. Pendant des années les seules cassettes que j’ai eues étaient Super Mario World et Mario Paint (le plus cool, c’est le jeu de tapette à mouches), puis un peu plus tard Mario Kart. Et quand j’allais au dépanneur pour louer une cassette, c’était toujours Mario quelque chose. Pendant toutes ces années-là, j’ai dessiné à peu près tous les personnages de Super Mario World dans mes temps libres en plus d’écrire des histoires de Yoshi. Dans le jeu, il y en a de quatre couleurs, et je leur avais donné des noms quand je jouais: Yochéri (vert), Ychi (jaune), Yofroid (bleu) et Yochaud (rouge). Ça, c’est parce que je ne savais pas ce que je sais aujourd’hui grâce à un livre qui n’a rien à voir avec le Nintendo, que Yoshi, ça veut dire « vas-y ».
Quand j’ai finalement eu Mario All Stars avec les quatre Mario dedans, j’étais adolescente et j’avais désormais une petite télévision (genre 10-12 pouces) dans ma chambre. J’ai fait le tour des jeux bord en bord y compris The Lost Levels. C’est vous dire le nombre d’heures de persévérance et d’enthousiasme que j’ai mises dans mon épopée Nintendo. Aujourd’hui, j’ai une Wii U, un Nintendo 64, une NES classique et une Super NES classique et je joue encore très souvent à Mario et à Yoshi. Mais ces derniers temps, je trippe ma vie avec EarthBound sur ma SNES classique (un cadeau de fête parfait). Et ça m’a vraiment donné le gout de lire Vieille école d’Alexandre Fontaine Rousseau, même s’il traite seulement de la NES.
C’est évident que je n’ai pas encore besoin de m’acheter une Switch.
Les seuls défauts de ce livre-là, c’est de pas être assez long ni d’avoir de table des matières avec la liste des jeux. Parce que Vieille école relate l’histoire de la NES en présentant une centaine des jeux qui ont été créés pour la console en respectant l’ordre chronologique de leur parution. Sauf que j’ai seulement 30 jeux sur ma NES classique, et je ne connais pas la grande majorité des autres. Et quand j’oublie le nom d’un jeu dont je voudrais me rappeler ou dont je voudrais relire le chapitre, ce n’est définitivement pas l’année de sa création qui me revient en tête en premier. Bref, Ta Mère, Alexandre Fontaine Rousseau, je fais ici ma demande: je veux 1) un Vieille école, volet 2 sur le Super Nintendo; 2) une table des matières dedans. Merci.
L’affaire, c’est que j’ai eu un fun fou à lire ce livre-là. La structure est simple. L’auteur accorde deux pages à chaque jeu dont il traite. Chaque jeu se présente sous forme de chapitre. Et les jeux se suivent en ordre chronologique. On pourrait croire que ce genre de présentation fait que chaque chapitre s’autocontient, par exemple que le chapitre sur Super Mario Bros. 2 parle de ce jeu-là et puis voilà, et qu’ensuite celui sur Bubble Bobble parle uniquement de Bubble Bobble, mais non. Ce qui fait la richesse de ce petit livre qui est bien loin de se prendre au sérieux, c’est le réseau de relations qu’il présente. Le lecteur commence sa lecture, mine de rien, en se demandant bien à quel genre de drôle de livre il a affaire, et s’aperçoit bien vite qu’en lisant sur Duck Hunt puis sur Excitebike et ainsi de suite, il est en train d’apprendre tout un tas de petites choses sur l’histoire de la console et son mode de fonctionnement (je ne parle pas de peser sur Power, on s’entend).
Il met entre autres en évidence, sans l’explorer en profondeur (deux pages par jeu, ça s’arrête là) le fait que les jeux de Nintendo présentent des univers qui permettent le développement d’un récit. Une de mes connaissances a justement consacré un mémoire de maitrise à l’étude des jeux vidéos comme pouvant « présenter et développer un monde fictionnel complexe » s’apparentant ainsi au domaine littéraire. Je ne le connais pas, mais je suis pas mal certaine qu’Alexandre Fontaine Rousseau aurait bien aimé assister à la conférence que Nicolas Côté a donnée sur le sujet aux élèves de mon école l’année passée et qu’ils seraient devenus ensuite les meilleurs amis du monde. Je dis ça de même.
Vous aurez compris que le ton bon enfant de Vieille école déteint pas mal sur mon écriture aujourd’hui, mais c’est comme une extrapolation du fun. Le livre, je l’ai dit, ne se prend pas au sérieux. Il manque à peu près toutes les négations et, de temps en temps, on lit quelques familiarités du registre plus populaire. Je n’étais pas pas certaine d’aimer ça pendant les 2-3-4 premières pages et puis ça s’est mis à m’amuser. J’ai ri pas mal tout le long de ma lecture, en fait.
« Ça fait que let’s go: quelqu’un a encore kidnappé la blonde de Billy, pis ça veut dire que le temps est venu de retourner dans la rue pour aller distribuer des beurrées de jointures pis frencher des faces avec son genou. Je donne des coups de poing en pesant sur A pis des coups de pied en pesant sur B? Classique. Pis en plus je peux sauter sur place, spinner dans les airs pis frapper tout le monde autour de moi? Alright. Amènes-en, des méchants. Jusque là, ça va. » (Double Dragon III: The Sacred Stones, p. 187)
Petit ton légèrement insolent, définitivement amusant, mais par lequel on découvre une vraie critique des jeux et apprend de vraies informations. Ce n’est pas parce que le livre ne se prend pas au sérieux qu’il ne réussit pas à l’être. Vieille école est un livre à la fois ludique et instructif qui réveille la nostalgie du joueur de Nintendo. Que celui-ci ne connaisse qu’une poignée des jeux mentionnés n’y change rien.
Vieille école en extraits
« Soi-disant inspiré par un fameux roman chinois du seizième siècle intitulé La pérégrination vers l’Ouest, parce que ça c’est un classique qui intéresse monsieur madame tout le monde, Dragon Power modifie donc deux ou trois trucs ici et là pour faire croire qu’il s’agit d’un produit culturel respectable – en s’assurant de diluer juste assez l’idiosyncrasie du manga d’Akira Toriyama, question que personne ne soit choqué (ou, pire encore, amusé) par l’expérience proposée.
[…]
Bulma s’appelle désormais « Nora », un bon nom bien de chez nous; Yamcha devient « Lancer », parce que pourquoi pas, et le tour est joué. Tout ce qu’il reste à faire, après ça, c’est censurer l’humour grivois de la série originale. Les petites culottes de Bulma deviennent ainsi le sandwich de Nora, puisqu’un triangle est un triangle et qu’il suffit d’une simple rotation à 180° pour transformer une blague de mauvais goût en goûter délicieux. » (Dragon Power, p. 65-66)
« Les Mario Kart, c’est un peu la quintessence du principe de fun. Pis, pour ceux qui le sauraient pas, le fun reste l’objectif premier d’un jeu. Vous pouvez me faire confiance. C’est scientifique ce que je dis là. Je suis convaincu que si tu distilles tous les discours théoriques traitant de la question jusqu’à leur plus simple expression, c’est pas mal ça la conclusion. »(Ice Hockey, p. 67)
« Pour vrai, c’est dangereux ces affaires-là. As-tu déjà joué trop longtemps à Tetris ou à Dr. Mario avant d’aller te coucher? C’est sûrement plus « constructif » que de faire le tour de Double Dragon en buvant de la bière économique. Sauf que sincèrement, c’est aussi des plans pour rêver à des blocs qui tombent pis à des pilules multicolores pendant toute la nuit. Je veux ben croire que c’est supposé te rendre « intelligent », ces affaires-là. Mais ça te rend probablement un peu légume en même temps. »(Yoshi’s Cookie, p. 216)
FONTAINE ROUSSEAU, Alexandre. Vieille école, Ta Mère, 2018, 223 p.